Quand y penser ?

L’absence d’identification d’un ou plusieurs facteurs de risque ne doit pas faire éliminer le diagnostic de maltraitance.

La situation

  • Chez l’enfant : 
    • Sexe masculin.
    • La prématurité. 
    • Des troubles du développement et/ou du comportement.
    • Le handicap.
  • Chez les parents : 
    • Grossesses multiples.
    • Enfant non désiré, déni de grossesse.
    • Tout évènement qui peut rendre difficile l’attachement précoce avec le nouveau-né : Séparation néonatale, dépression du post-partum, …. 
    • Des ATCD personnels de violences subies dans l’enfance.
    • Des violences conjugales.
    • Des addictions.
    • L’isolement social et surtout moral.
    • Des troubles psychopathologiques. 
  • Une absence de supervision parentale. 

L’anamnèse

  • Pleurs du nourrisson rapportés comme inconsolables par les parents qui se disent nerveusement épuisés. 
  • Changement de laits itératifs.
  • Tenir des propos dépréciatifs sur son enfant.
  • Révélation de maltraitance par l’enfant lui-même, par un parent ou par un tiers.
  • Une lésion pour laquelle : 
    • Explication incompatible avec le niveau de développement de l’enfant ou avec les lésions observées.
    • Explications contradictoires, changeantes. 
    • Absence d’explication. 
  • Un retard de recours aux soins.
  • Plaintes somatiques récurrentes sans étiologie claire (douleurs abdominales, coliques, céphalées).
  • ATCD d’accidents domestiques répétés.
  • Une ou plusieurs tentatives de suicide.
  • Fugues et conduites à risque. 
  • Une chute des résultats scolaires voire une déscolarisation.
  • Des faits de maltraitance dans la fratrie.

Les signes physiques

Ecchymoses

Infiltrats hémorragiques douloureux, sous cutanés ou muqueux.

Critères de NICE (National Institue for health and Care Excellence) :

  • Ecchymoses chez un enfant qui ne se déplace pas tout seul (à 4 pattes puis marche). 
  • Ecchymoses sur des parties concaves du corps (oreilles, joues, cou, pieds, fesses ou torse). Voir image ci-dessous : Localisations suspectes de lésions infligées
  • Ecchymoses situées ailleurs que sur le devant du corps ou sur une proéminence osseuse ou sur des zones cutanées non habituellement exposées (face interne des bras et des cuisses).
  • Ecchymoses multiples d’âge différent. 
  • Ecchymoses de grande taille.
  • Ecchymoses reproduisant l’empreinte d’un objet ou d’une main. 
  • Ecchymoses ne correspondant pas au mécanisme causal décrit.
Source : Société Française de Pédiatrie Médico-Légale

Les contusions (ecchymoses et hématomes) sont suspectes en l’absence de traumatisme retrouvé, quelle que soit leur localisation.

Une ecchymose, ou plus communément appelée « un bleu », désigne une extravasation de sang s’échappant de capillaires vers le tissu sous cutané de manière diffuse, suite à un choc direct.
Un hématome est un épanchement (une collection) causé par la rupture de vaisseaux plus volumineux que les capillaires, dans une cavité néoformée. Cela provoque le plus souvent une saillie cutanée.

Ni la coloration ni l’évolution progressive de la coloration pendant la guérison ne sont des indicateurs fiables de l’ancienneté de l’ecchymose.  


Brûlures

Caractérisation selon la profondeur : Proportionnelle à la température, à la nature de l’agent causal et à la durée d’exposition. 

1er degré : Érythème (épidermique). 
2e degré : Phlyctène (atteint plus ou moins profondément le derme). 
3e degré : Détruit l’épiderme et le derme. 
4e degré : Atteint les structures sous cutanées.

Degrés de brûlure – Source : https://enasis.univ-lyon1.fr/resource/open/text/382521

Caractérisation selon la gravité : 
L’étendue et les dimensions des brûlures sont exprimées en pourcentage de la surface corporelle totale brûlée au 2e ou 3e degré, évaluées par la table de Lund et Browder (méthode plus précise chez l’enfant que la « règle des 9 » de Wallace). 
Site de calcul : http://medicalcul.free.fr/lundbrowder.html

Caractérisation selon le mécanisme :

  • Brûlures à bord net, pouvant résulter d’une immersion (en gants, en chaussettes). 
  • Brûlures par contact reproduisant la forme de l’agent en cause (appareil ménager, cigarette). 
  • Brûlures qui atteignent les plis.
  • Brûlures siégeant sur des zones habituellement protégées par les vêtements (fesses, périnée). 
  • Lésions d’abrasion (pouvant mimer des brûlures) des poignets et des chevilles (contention par liens). 
  • Distributions symétriques. 

Dermabrasions : Griffure, morsure

Superficielles, se couvrent d’un exsudat, puis d’une croûte.
Cicatrisation en 8 jours environ. 

Généralement, une trace de morsure apparaît comme une marque circulaire ou ovale de 2 à 5 cm, faite de deux arcs concaves opposés, avec ou sans ecchymose centrale associée.


Fractures

Principalement fractures des membres, du crâne et des côtes. 

Types de fractures : 
Classification de Nimkin et Kleinman

  • Les fractures très évocatrices de maltraitance : 
    • Fractures métaphysaires.
    • Fractures des arcs postérieurs des côtes.
    • Fracture de l’omoplate.
    • Fractures des apophyses épineuses.
    • Fracture du sternum.
  • Les fractures évocatrices : 
    • Fractures multiples, bilatérales, et d’âges différents / Syndrome de Silverman.
    • Décollements épiphysaires
    • Luxation des corps vertébraux
    • Fracture des doigts.
    • Fractures complexes du crâne.
  • Les fractures d’interprétation difficile : 
    • Appositions périostées.
    • Fracture de la clavicule.
    • Fractures diaphysaires des os longs. 
    • Fractures linéaires du crâne.

TOUTE fracture chez un nourrisson est suspecte en dehors d’un traumatisme à très forte énergie (accident de la voie publique, chute de grande hauteur).

Leurs manifestations par une déformation est exceptionnelle. Il s’agit plutôt de gonflement, impotence, douleur à la mobilité. 


Plaies

Plaies consécutives à une blessure par arme tranchante (couteau, cutter, …) et/ou piquante (aiguille, tournevis, …) et/ou contondante (hache), ou toute autre élément (clé, tesson de bouteille, pierre, …). 


Traumatisme crânien

  • Hématome extra-dural.
  • Hématome sous-dural.
  • Syndrome du bébé secoué : 
    • Hémorragies sous-durales (voire sous arachnoïdiennes).
    • Hémorragie rétinienne

TOUJOURS y penser ! 

Motifs de consultation très variés : ACR, apnées, coma, malaise grave, convulsions, état de mal épileptique, signes d’HTIC (troubles de la conscience, vomissements, regard en coucher de soleil …), déficit moteur …
Enfant < 1 an (pic 4 mois). 
Palper fontanelle et PC +++ (courbe indispensable).


Lésions viscérales

Nausées, vomissements, abdomen chirurgical, signes d’hémorragie interne (notamment pâleur) doivent alerter. 
Lésion d’organe plein (foie, rate, rein et pancréas notamment) ou de viscère creux (duodénum).


L’association de lésions de types différents : Morsure, griffure, brûlure, ecchymose, …


Atteinte des phanères : Plaques d’alopécie


Syndrome de Münchhausen par procuration

Un parent (généralement la mère) produit ou simule des symptômes chez son enfant. 

Cela induit des demandes répétées de prise en charge médicale de l’enfant, engendrant des procédures médicales multiples.
Le parent nie connaitre la cause des symptômes.
Ces symptômes régressent quand l’enfant est séparé du responsable du syndrome.

Les signes physiques de violence sexuelle

  • Lésions génitales, lacérations anales et/ou génitales, contusions, inflammation
  • Saignement vaginal ou rectal
  • Infections vaginales à répétition.
  • Maladie sexuellement transmissible. 
  • Énurésie.
  • Encoprésie.
  • Une grande inhibition (vêtements amples, fuit les contacts physiques et les regards).
  • Comportement hypersexualisé (masturbation compulsive, provocation, jeux sexuels inappropriés avec d’autres enfants …). 

Les signes de négligence lourde

  • Signes de dénutrition.
  • Pâleur.
  • Déshydratation.
  • Aspect négligé. 
  • Mauvaise hygiène. 
  • Habillement mal adapté. 
  • État de fatigue inexpliqué. 
  • Retard de développement staturo-pondéral. 
  • Retard psychomoteur.
  • Retard des acquisitions, hypo ou hypertonie.
  • Intoxications accidentelles (cannabis, médicaments, stupéfiants). 

Les signes de maltraitance psychologique

  • Chez le nourrisson : 
    • Troubles des interactions précoces.
    • Troubles du comportement liés à un défaut de l’attachement.
    • Retard du langage ou psychomoteur. 
  • À tout âge : 
    • Trouble du comportement (triste, craintif, replié sur lui-même, provocateur, désinvesti de sa scolarité …). 
    • Troubles du sommeil. 
    • Troubles du comportement alimentaire tels que l’anorexie ou la boulimie. 
    • Refus de rentrer au domicile. 
    • Fugues. 

Les signes comportementaux de l’enfant

  • Toute modification du comportement habituel de l’enfant dans les différents lieux de vie (à la maison, à l’école, dans ses activités extra-scolaires), sans explication claire. 
  • Phénomènes régressifs : Retour au parler bébé, succion du pouce, énurésie, avidité pour les sucreries, mutisme, apathie, retrait vis-à-vis des étrangers / comportements affectueux indifférenciés envers tous les adultes.

  • Troubles du contact : Évitement du regard, hypotonie ou hypertonie, hyper/hypo-vigilance, pleurs incessants, bébé difficilement consolable.
  • Comportement d’enfant timide, craintif, replié sur lui-même, irritabilité.
  • Peur des adultes.
  • Inhibition sociale.

  • Remettre en actes l’évènement traumatisant par l’intermédiaire de ses jouets (poupées, playmobil …). 

  • Réticence à se dévêtir.
  • Lavages répétés du corps.
  • Une attitude à connotation sexuelle (simulation d’actes sexuels sur des jouets, passage à l’acte sur d’autres enfants …), masturbation excessive, exhibitionnisme, voyeurisme, gestes impudiques. 

  • Symptômes dépressifs
  • Phobies.
  • Apparition d’idées suicidaires
  • Actes d’automutilation chez l’adolescent.
  • Fugues. 

  • Troubles du sommeil, cauchemars. 
  • Troubles du comportement alimentaire : Anorexie, boulimie.
  • Troubles du comportement :
    • Opposition, agressivité.
    • Projection de la tête contre un mur.
    • Recherche de contact ou d’affection sans discernement, gentillesse excessive avec les étrangers (y compris avec les professionnels de santé).
    • Labilité et imprévisibilité du comportement, de l’état émotionnel. 

  • Consommation de substances illicites chez l’adolescent. 
  • Temps excessif consacré à internet et aux jeux électroniques.

Les signes comportementaux de l’entourage

  • Vis-à-vis de l’enfant : 
    • Parent ou adulte intrusif s’imposant à la consultation médicale, parlant à la place de l’enfant. 
    • Indifférence notoire de l’adulte vis-à-vis de l’enfant (absence de regard, de geste, de parole). 
    • Parent ou adulte ayant une proximité corporelle exagérée ou inadaptée avec l’enfant. 
    • Parent ou adulte refusant les vaccinations obligatoires, appliquant des régimes alimentaires source de carences, malgré des avis médicaux répétés. 
  • Vis-à-vis des intervenants : 
    • Minimisation, banalisation ou contestation des symptômes ou des dires de l’enfant.
    • Dénigrement ou accusation de l’enfant. 
    • Refus des investigations médicales ainsi que de tout suivi social sans raison valable.
    • Attitude d’hyper recours aux soins.
    • Attitude agressive ou sur la défensive envers les professionnels de santé. 
    • Déclarations contradictoires de l’entourage, ou différentes versions données successivement.
    • Une histoire incompatible avec les explications données. 
    • Explications non plausibles.
    • Une histoire changeante.
    • Délai avant consultation médicale.

Mis à jour le 12 mai 2022


Sources :

Adamsbaum, Catherine, et Caroline Rey-Salmon. Maltraitance chez l’enfant. Médecine Sciences. Cachan: Lavoisier, 2013. https://www.cairn.info/maltraitance-chez-l-enfant–9782257205773.htm.

Haute Autorité de Santé. « Maltraitance chez l’enfant : repérage et conduite à tenir ». https://www.has-sante.fr/jcms/c_1760393/fr/maltraitance-chez-l-enfant-reperage-et-conduite-a-tenir.

Santé, Ministère des Solidarités et de la, et Ministère des Solidarités et de la Santé. « Agir contre la maltraitance – Guide juridique à l’usage des professionnels de l’enfance ». Ministère des Solidarités et de la Santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/guides/article/agir-contre-la-maltraitance-guide-juridique-a-l-usage-des-professionnels-de-l.

Collectif. « Mal-traité émoi » Que faire si je suis confronté à un risque de maltraitance d’enfants ? : Un outil pédagogique destiné aux enseignants pour prévenir la maltraitance. EdiPro, 2015. https://univ-scholarvox-com.ezpum.biu-montpellier.fr/book/88903783.

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